La signature de l’Acte d’Algésiras en 1906 a provoqué une levée de boucliers générale à travers le Maroc. Les élites lettrées de Fès comme les tribus toujours dissidentes du Tadla, des plaines de la Chaouia ou du sud berbère accueillirent ce traité comme une véritable déclaration de guerre à l’Islam et au Maroc en tant que nation.
Le lancement de la construction d’un modeste tronçon de chemin de fer à Casablanca, partant de la darse d’un port alors quasi inexistant vers la route de Rabat, allait mettre le feu aux poudres. La traversée du cimetière jouxtant le mausolée de Sidi Belyout enflamma les habitants de la Chaouia : une attaque se solda par la mort de sept ouvriers portugais et espagnols travaillant au chantier de la société Schneider. La France mit à profit l’incident pour faire intervenir sa marine de guerre déjà prête : des bombardements intenses précédèrent le débarquement des troupes dans une ville assiégée par les tribus, à moitié détruite par les obus et jonchée d’innombrables cadavres d’animaux et d’humains confondus.
Une large documentation atteste de la férocité de combats qui firent des victimes de part et d’autre. Montrer ces images, qui appartiennent désormais à l’histoire et sont dues pour l’essentiel à des photographes de l’armée française, ne suppose de notre part aucun a priori.
Le Centenaire du débarquement franco-espagnol à Casablanca en 1907
L’évocation du centenaire du débarquement Franco-espagnol à Casablanca en 1907, constitue un devoir de mémoire.
Les seules relations relatives à ces douloureux évènements, durant la période 1907-1956, sont dues à des personnes qui reprirent de bonne foi, la trame classique des «fauteurs de trouble» que poursuivent les forces de pacification.
Casablanca, ex Anfa ou Anafé, ville prospère de plusieurs milliers d’habitants (connus pour leur hospitalité, généreux et amènes) enregistra sa première blessure en 1469 : l’armada portugaise, sous le commandement de Don Fernando, frère d’Alphonse V Roi du Portugal, à la tête d’une flotte de 50 navires et une armée de 10.000 hommes bombarde la ville. Les habitants d’Anfa durent fuir, pour rejoindre Azemmour, Rabat ou Marrakech, laissant leur ville au pillage des soldats portugais. Les Portugais s’y étaient établis pour venir à bout des «corsaires» d’Anfa, dont les incursions à l’embouchure du Tage appelaient des représailles ...
En 1755, Anfa est détruite par le tremblement de terre qui ravagea Lisbonne, les Portugais quittent la ville totalement dévastée. Après avoir construit Mogador, chassé les Portugais de Mazagan (El Jadida), le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdellah, décide de relever la ville de ses ruines, reconstruisit une Médersa, en lieu et place de celle qu’éleva Abou Inan le Mérinide au 14ème siècle, érigea la sekkala pour la défense de la ville, rebâtit la grande mosquée et installa 2.000 gardes, avant de lui donner le nom de Dar El Beyda, à l’instar de celui qu’il attribua à ses palais de Marrakech et de Meknès.
Ce grand sultan Alaouite veut effectivement régner, mais il rêve aussi de civiliser le Maroc en le rapprochant des nations Européennes, avec lesquelles il tient à vivre en paix, leur concédant pour y parvenir des Traités de commerce avantageux qui faciliteront et étendront les échanges, ainsi pour le Danemark en 1757, l’Angleterre en 1760, la Suède en 1763, la Sérénissime République de Venise en 1765, etc. Le Maroc donnera ses produits naturels, cire, dattes, amandes, laine, cuivre, bois d’œuvre et recevra des outils, des armes, de la pacotille, des étoffes ; les douanes marocaines, attentivement contrôlées, deviendront pour le Maghzen un service rentable. Au surplus, il conciliera ces procédés de bonne entente avec sa volonté d’autorité et ne supportera pas que les étrangers puissent faire, en quelque mesure que soit la loi dans son pays. Sidi Mohammed Ben Abdellah, octroya le monopole exclusif de la gestion du port à une société espagnole… dans le style d’une concession !
Les convoitises étrangères, quant à elles, ne l’entendaient pas de cette oreille, elles ne ménageaient aucun effort (de 1880 à 1907) pour prendre pied dans cette région de la Chaouia et du Maroc. Pendant que la France installe en 1903, un câble Oran-Tanger et une école à Tanger, l’Allemand Mohr préconise un partage du Maroc dont les convulsions semblent annoncer «l’agonie» chérifienne entre la France, l’Espagne et l’Allemagne. Cette dernière occuperait la cote Atlantique et la région de Marrakech avec pour capitale Casablanca.
Pour exploiter ce domaine, un «MAROKKO GESELCHAFT» se formait à Berlin. Le 8 avril 1903, la France signe une convention, par laquelle elle renonce à toute action politique en Egypte en faveur de l’Angleterre qui, par réciprocité, renonce à la limitation imposée à la France en 1890 et lui laisse le champ libre au Maroc. Un accord secret engage l’Italie à renoncer à toute prétention sur le Maroc, en contre partie, la France laissera à l’Italie le champ libre en Tripolitaine.
En 1907, la ville fait face, au débarquement des troupes Franco-espagnoles, venues pour protéger les Européens… C’est l’aboutissement kafkaïen d’une page de notre histoire.